Qui est le vrai gagnant dans cet échange entre Haïti et la République Dominicaine

L’histoire de la liberté a pris naissance sur cette île, aujourd’hui, elle n’est plus divisée que depuis l’époque de la colonie de Saint-Domingue et de l’Hispaniola.

Haïti est en pleine crise politique et économique, la balance commerciale du pays est au rouge et ça ne date pas d’hier. La corruption, la crise d’insécurité ne cessent d’assombrir l’avenir de la jeunesse haïtienne. Au-delà de tous les liens historiques et géographiques entre Haïti et la République dominicaine, ce sont des partenaires commerciaux qui échangent des biens et des services chaque année.

Dans ce rapport commercial entre les deux pays, y a-t-il un gagnant ? La consommation des produits dominicains en Haïti est environ 60 % en 2022, affirme l’économiste Enomy Germain. Une augmentation de 30,6 % par rapport à l’année précédente et Haïti n’exporte que 2,4 % des biens et services vers la République dominicaine, (Haïti Libre, septembre 2022).

Un projet de développement conjoint entre les investisseurs des deux pays serait peut-être plus avantageux pour l’île, au lieu de faire cavalier seul, en affichant un comportement économique et sociopolitique dominant.

Le type de relation commerciale entre Haïti et la République Dominicaine

Haïti et la République dominicaine en 1867 ont signé un accord commercial, de paix et de navigation entre les deux pays, sur le plan commercial, il y avait deux éléments fondamentaux, en premier lieu : la convention commerciale du 26 aout 1941, regroupe six produits ou groupes de produits venant d’Haïti et 20 produits ou groupe de produits de la République dominicaine qui bénéficiaient une réduction des droits de douane.

Un deuxième accord, le 13 décembre 1979, fut un traité de libre-échange pour la promotion et le développement des relations commerciales sur l’île, concernant une liste de produits ou groupes de produits provenant des deux pays signataires.

Il y a également plusieurs possibilités pour que les deux pays procèdent aux échanges des marchandises, en utilisant les règlements du marché commun de la caraïbe (CARICOM) qu’Haïti étant membre et la République dominicaine fait partie des membres observateurs.

Les deux pays ont adhéré au Forum des Caraïbes (CARIFORUM) depuis qu’il a été officiellement lancé en 1993. Les États membres du CARIFORUM sont liés par l’accord de Cotonou en 2000, qui est considérable dans les négociations avec les pays membres de l’UE. Ces deux pays sont bénéficiaires de « l’Accord Partenariat Économique Cariforum-UE », qui leur permet de commercer les uns avec les autres tout en prenant en compte de l’Accord de Cotonou.

 

Les données disponibles des échanges commerciaux entre les deux pays

Haïti est de plus en plus tributaire du monde extérieur, ce qui se traduit par un déficit commercial significatif de 2,7 milliards USD en 2019, 3,2 milliards USD en 2020. Bien que la pandémie de COVID-19 ait eu des répercussions importantes sur le marché international, les exportations de textiles vers les États-Unis ont diminué.

Les principaux partenaires commerciaux du pays sont les États-Unis (84%), la République dominicaine (3,2%), le Canada (3%), le Mexique (2,1%) et la Chine (1,1%) (données CNUCED).

Selon les données disponibles, l’échange commercial entre Haïti et la République dominicaine est inéquitable, car, la République dominicaine importe très peu en provenance d’Haïti tandis que l’offre d’exportation à destination d’Haïti est très élevée.

« Durant l’année 2001, la République dominicaine a exporté vers Haïti 100 millions de dollars, ce qui représente 2% de son commerce qui, à cette époque, se chiffrait à environ 5 milliards de dollars. En 2014, ce montant est multiplié par 13, passant à un milliard 423 millions de dollars d’exportation vers Haïti. Cet échange représentait 15% du commerce dominicain qui était évalué à 9 milliards 900 millions de dollars. Une chute a été constatée en 2019 ; à cette période la République dominicaine a exporté vers Haïti 857 millions de dollars et le commerce dominicain pesait environ 11 milliards de dollars », a souligné le professeur Joseph Harold Pierre, expert en relations haïtiano-dominicaines.

« En 2019, 2020, 2021, l’exportation de la République dominicaine vers Haïti représente 8% de son commerce. Haïti n’est plus le deuxième partenaire de la RD ; l’Inde prend cette place actuellement.  De 2000 à 2021, le commerce dominicain est passé de 5 milliards à 11 milliards de dollars. Et du côté d’Haïti, le commerce est passé d’un milliard à 1,5 milliard pour la même période », a-t-il poursuivi, mentionnant que « de 2015 à 2016, Haïti a exporté 50 millions de dollars vers la République dominicaine. En 2017, l’exportation est passée à 36 millions de dollars, 23 millions en 2018, 3,4 millions en 2019. »

 

 Profil de l’échange entre Haïti et la République dominicaine

Haïti est en crise depuis des années, la « gangstérisation » du capital plonge le pays dans une situation critique. L’insécurité alimentaire du pays ne fait qu’élargit l’écart de richesses entre les deux pays, 60 % des produits consommés en Haïti sont des produits dominicains ce qui signifie une dépendance alimentaire du pays de son voisin. Selon le professeur Joseph Harold Pierre, les exportations de produits de la République dominicaine en Haïti proviennent des PME, « Haïti n’est pas si important pour l’économie de la République dominicaine », a-t-il déclaré.

En 2020, la caraïbe reste le troisième plus important client, 21% des exportations dominicaines partant de la caraïbe tirée par Haïti (954 millions USD), au cours de la même année la République dominicaine a enregistré plusieurs soldes négatifs dans ses échanges avec ses principaux partenaires « les Etats-unis (45 % des échanges, déficit de 4,5 Mds USD), la Chine (11 % des échanges, déficit de 3,6 Mds) et l’Inde (3 % des échanges, déficit de 435 M USD). Le premier solde positif concerne Haïti (qui n’envoie seulement 4 millions USD de biens à son voisin dominicain) (Ministère de l’Économie français 2022). Cependant, c’est un pays sans grande importance économique pour la République dominicaine.

D’après l’économiste Enomy Germain dans une interview sur RF1, Haïti perd environ 1,5 milliard UDS de droits de douane sur les produits de contrebande exportés par la République dominicaine vers Haïti. Poursuivi, dans son intervention la fermeture de la frontière des deux pays Haïti sera le grand perdant au niveau humain dans cette situation.

Relations commerciales entre Haïti et la République dominicaine, sont-elles réellement bénéfiques aux Haïtiens à l’échelle humaine ? alors qu’une partie importante des produits exportés par son voisin sont des produits qui circulaient sur le marché haïtien sans aucun contrôle ni vérification de la qualité des produits. « Certaines entreprises dominicaines produisent exclusivement pour le marché haïtien » explique l’économiste Enomy Germain.

Selon les principes de libre-échange commercial entre deux pays, en utilisant l’indice de complémentarité commerciale d’Haïti avec la République dominicaine, « la théorie postule que si deux pays partagent un haut niveau de complémentarité commerciale dans divers produits, des échanges commerciaux profitables aux deux pays pourraient s’effectuer à l’aide d’accords de libre-échange entre eux. » La complémentarité des échanges entre les deux pays est extrêmement faible Selon le Groupe Credit du Nord (2021), Haïti était en 2021, le troisième marché d’exportation de la République dominicaine (8,1 % de ses exportations), l’inverse est très faible. « Les exportations de la République dominicaine sont complémentaires des importations d’Haïti à plus de 95 %. En revanche, les résultats sont insignifiants dans le sens opposé. » CNUDE (2018). En mettant en application la formule développée Peter Drysdale en 1967, l’échange entre les deux pays n’est profitable que pour la République dominicaine.

En 2009, la Banque mondiale et l’Organisation des états américains ont réalisé une étude pour évaluer l’indice de similarité des produits des deux pays et de leurs partenaires commerciaux, une formule développée par Finger et Kreinin (1979), les résultats de cette étude aboutissent à la conclusion que les produits échangés entre les pays des Caraïbes sont relativement proches (11,49 pour la République dominicaine, 12,84 en moyenne pour l’ensemble de la Caraïbe, et 7,98 pour Haïti).

En ce qui concerne les échanges entre Haïti et la République dominicaine, les importations de produits dominicains sont très élevées et les exportations très faibles, ce qui explique une piètre situation commerciale pour Haïti.

Dans cet échange, Haïti est non seulement le grand perdant sur le plan humain, mais également sur le plan économique. La République dominicaine est l’unique gagnant dans cet échange, ces deux pays ne sont pas des partenaires commerciaux naturels. Les accords de libre-échange entre ces deux pays ne sont pas clairs.

Haïti est en phase de dépendance totale des produits dominicains, l’État haïtien doit assurer la production locale du pays ainsi que le bien-être de la population. Instaurer une structure de contrôle de la qualité des produits et limiter les contrebandes, réexaminer le tarif douanier pour certains produits. Haïti bénéficie d’un certain nombre d’accords de libre-échange régionaux et internationaux, les autorités devraient s’efforcer de développer le commerce équitable.

 

Pierre Richard CINEAS

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